mercredi 28 octobre 2009

DVD - Le cinéma dans tous ses états…



Des DVD pour le plaisir
Par Gérard Camy


Japon, Italie, Allemagne, Suède, France… Les éditeurs de DVD sont précieux. Grâce à eux, chaque semaine des oeuvres méconnues, oubliées, célèbres mais très souvent invisibles depuis longtemps, retrouvent leur raison d’exister : le regard des spectateurs.
Les éditions Carlotta Films nous font une nouvelle fois voyager d’un pays à un autre exhumant de nouvelles perles cinématographiques.



L’œuf du serpent d’Ingmar Bergman (1977) avec Liv Ullmann, David Carradine, Gert Froebe, Heinz Bennent.
Editions Carlotta Films
Berlin, dans la semaine du 3 au 11 novembre 1923. C'est l'inflation galopante, le chômage, la misère et le désespoir. Alors qu’il se perd dans l’alcool, Abel Rosenberg découvre le corps de son frère, Max, suicidé d’une balle dans la bouche. Interrogé par le commissaire Bauer, il a l’intuition qu’on le soupçonne de plusieurs meurtres perpétrés dans le quartier. Il s'étonne aussi d'une ultime question de l'inspecteur Bauer qui lui demande s'il est d'origine juive. Abel se réfugie alors auprès de Manuela, ancienne compagne de son frère qui se produit dans un cabaret minable. Ensemble, ils s’engouffrent dans une spirale de peur et du racisme qui va les dévorer…
Unique superproduction tournée par le célèbre réalisateur suédois, dans les mêmes décors que Berlin Alexanderplatz de Rainer W. Fassbinder cette œuvre grandiose et angoissante, est authentiquement expressionniste. Inspiré par les ambiances du romancier Kafka et les tableaux  tourmentés de Grosz, influencé par les premiers films de Fritz Lang, L’œuf du serpent mêle intensément drame de l’Histoire et film d’espionnage, intrigue policière et montée du nazisme pour se resserrer sur l’intimité d’un couple atypique formé par David Carradine et Liv Ullmann. Cette expérience démesurée, trouble, étonnante, indélébile s’inscrit pourtant parfaitement dans la thématique de Bergman souvent centrée sur deux êtres en perdition. Accompagné de son fidèle directeur de la photographie, Sven Nyqvist, le cinéaste recrée admirablement bien le Berlin des années vingt, un Berlin gris, morne et sinistre où germent discrètement les graines du nazisme.
Compléments : Loin de Suède (20’) un documentaire rétrospectif sur le film composé d’un entretien d’époque de Bergman et des interventions contemporaines de Liv Ullmann et David Carradine.
L’œuf du serpent ou l’exil d’Ingmar Bergman : un livret de 36 pages qui revient en textes et en images sur le difficile contexte de réalisation du film à partir d’interviews, de textes inédits et de photos de plateau.


Coffret Kon Ichikawa (3 DVD)

Edition Carlotta Films
Les éditions Carlotta Films nous proposent, une fois encore, de découvrir un cinéaste japonais méconnu, auteur de quelques chefs d’œuvres comme La Harpe de BirmanieFeux dans la plaine (1956), (1957) ou encore le célèbre Tokyo Olympiade (1965) au milieu d’une filmographie imposante, inégale et très mal distribuée en France.
En complément : sur les trois DVD une préface explicative et intéressante de Diane Arnaud.
DVD 1 : La Harpe de Birmanie de Kon Ichikawa (1956)
Un régiment de l’Armée impériale japonaise est en déroute au milieu de la jungle birmane plusieurs jours après la fin de la seconde Guerre mondiale. Parmi les soldats se trouve un joueur de harpe qui sert d’éclaireur grâce à son instrument. Lors d’une halte, le régiment cerné par les Britanniques, se rend. Le harpiste est chargé d’une mission…
Adapté d’un classique de la littérature japonaise, ce film est le premier grand succès d’Ichikawa, lui conférant une renommée internationale (Grand Prix du festival de Venise). Dans cette fable humaniste, un groupe de soldats trouve, par la force du chant, un esprit de cohésion qui leur permet de refuser la violence. Les images d’une rare beauté, la musique magistrale signée Akira Ifukube donnent au récit une force lancinante et lyrique qui place Ichikawa parmi les grands maîtres nippons.
En complément : L’Histoire d’un soldat de Claire Akiko-Brisset. Basé sur l’histoire véritable du moine-soldat Kazuo Nakamura, La Harpe de Birmanie est considéré comme un des grands films pacifistes de l’après-guerre au Japon. Passionnant.
DVD 2 : Kokoro de Kon Ichikawa (1955)
En se rendant sur la tombe d’un ami, Nobuchi, un professeur retraité, retrouve un étudiant admiratif avec lequel il se lie d’amitié malgré la différence d’âge. Compréhensive en apparence, son épouse Shizu est jalouse du temps passé par Nobushi seul ou avec son élève.
Adapté d’un célébrissime roman de la littérature japonaise, Kokoro est un des films les plus marquants du cinéaste. Mélodrame funèbre construit sur des non-dits et des gestes contenus, cette étude psychologique centrée sur la réclusion intime embrasse subtilement la thématique homosexuelle. Une superbe réussite.
DVD 3 : Seul sur l’Océan Pacifique de Kon Ichikawa (1963)
En 1962, Kenichi Horie, un jeune Japonais, s’embarque seul dans une aventure extraordinaire. Ayant construit en hâte un modeste voilier de 6 mètres de long, il quitte le port d’Osaka  avec un objectif : Traverser en solitaire l’Océan Pacifique pour se rendre à San Francisco.
Inspiré par l’exploit de Kenichi Horie, premier Japonais à s’être mesuré seul à l’immensité de l’Océan. Il s’agit bien d’un film bouleversant, ode poignante et profondément humaniste, qui utilise avec une belle grâce le format CinemaScope et avec une puissante intensité la musique éblouissante de Toru Takemitsu.


La Contestation, film collectif (Lizzani, Bertolucci, Pasolini, Godard et Bellochio) réalisé en 1969.
Editions Carlotta Films

Un an après les événements de Mai 68 qui ont bouleversé l’Occident, cinq cinéastes révolutionnaires encore jeunes (Carlo Lizzani né en 1922 est le plus ancien) mais déjà très connus à l’époque, tentent de faire, à leur manière, le bilan d’une décennie d’agitation. Iconoclastes et rageurs, ces sketches s’inspirent d’épisodes des évangiles pour composer un œuvre unique  qui exacerbe les passions libérées de ces grands réalisateurs. Chacun à leur manière, avec un langage cinématographique propre, ils nous parlent de la révolte du monde. L’Indifférence de Carlo Lizzani s'intéresse à l'indifférence des uns face à la détresse des autres dans un New-York particulièrement cruel. L’Agonie de Bernardo Bertolucci, dans une forme plus hermétique, évoque les derniers instants d’un homme sur son lit de mort alors qu’un groupe de personnes envahit sa chambre en un ballet étrange et morbide. La Séquence de la fleur de papier de Pier Paolo Pasolini décrit l'insouciance du jeune Riccetto qui « Via Nazionale » à Rome qui ignore les images de guerre qui dévorent l’écran et les voix insistantes qui s'adresse à lui. L’Amour de Jean-Luc Godard, sur un ton plus philosophique et esthétique, questionne à travers un homme et une femme qui observent à distance un couple, l’amour, la révolution et les pouvoirs mensongers du cinéma. Discutons, discutons de Marco Bellochio point d'orgue résolument politique du film, met en scène sous une forme cocasse l’interruption du cours d’un professeur à l’université par un groupe d’étudiants pro-Hô Chi Minh. Un débat houleux s'engage alors entre des structures dirigeantes hostiles au mouvement et des jeunes déterminés. Témoin d’une époque anti-conformiste, tant sur le plan idéologique que sur le plan artistique, La Contestation est un condensé turbulent d’amour et de rage. Œuvre rare, à découvrir !!

Par Gérard Camy

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