vendredi 5 février 2010

BD - L’Hôte

De Ferrandez – Ed. Gallimard
Il est toujours difficile d’adapter un roman. Souvent, le défi est encore plus difficile à relever quand l’écrivain est célèbre, non pas, par la qualité de l’œuvre – même si cela joue – mais souvent parce qu’on vous attend beaucoup plus nombreux au tournant. Le moindre faux ne pardonne pas. Cela faisait très longtemps que Ferrandez avait envie d’adapter Camus. L’Hôte est une nouvelle tirée du recueil L'Exil et le Royaume (1957).
Elle se déroule en Algérie française auprès d’un instituteur d’une école perdue dans une zone désertique. Chaque semaine, il distribue un peu de riz à ses élèves et vit comme un moine dit-il. Une vie d’ascète, totalement dévoué à son destin. Jusqu’à un jour d’hiver, où un gendarme arrive avec un prisonnier et le missionne de l’amener au tribunal de la ville voisine. L’instituteur refuse tout d’abord de cautionner cette décision et cette justice. Il se retrouve vite devant un dilemme quand le gendarme repart, lui laissant le prisonnier. Les deux hommes resteront ainsi en face à face toute la nuit jusqu’au lendemain. Jusqu’au choix de suivre ou non les instructions.
Ce roman philosophique est alors admirablement bien adapté et partagé par Jacques Ferrandez, lui aussi un enfant du pays, né en Algérie. D’ailleurs, dans ses Carnets d’Orient qu’il vient tout juste de terminer, il y consacrait une grande partie à l’Algérie de la colonisation jusqu’à son indépendance. Il prend alors le sujet à bras le corps et transforme les mots de Camus en une étendue désertique, en un visage buriné par le soleil et la vie, en un regard, une étincelle dans l’œil. Peu de dialogues, beaucoup de silence et de fabuleuses idées et réflexions qui circulent dans et entre ces admirables et précises aquarelles. Il peint un pays et avec lui la dignité humaine de deux êtres réunis ensemble face à l’absurdité de la vie parfois. Dans ce désert algérien des trajectoires humaines se croisent et elles sont rocailleuses. Jacques Ferrandez dessine alors un œuvre magistrale.
JC

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