vendredi 5 février 2010

BD - En direct des cuvettes 6 - Blast

De Manu Larcenet – Ed. Dargaud
Celui-là, il n’a pas fallu attendre trop longtemps que je le finisse. D’une seule traite. Les yeux grands ouverts et l’esprit totalement immergé dans cette nouvelle œuvre de Manu Larcenet. Quand je dis pas trop longtemps, il en faut quand même un peu car même ce n’est que le premier tome mais déjà on sent le poids lourd venir. Un poids tout d’abord par son taille. Imposant ce Blast est un pavé de plus de 200 pages racontant l’histoire d’un tout aussi imposant personnage arrêté par la police.
« Pour ce que j’ai fait à Carole ? » dit-il aux policiers en charge de l’auditionner. Mais la garde à vue va être longue car « Si vous voulez comprendre… Il faut que vous passiez par où je suis passé ». Plongeont narratif, habile flashback, dans son récit, celui d’une jeunesse pleine rancœurs et de tristesse d’un jeune garçon déjà obèse, portant en lui, tel Sisyphe, un mal-être prêt à exploser. Puis il se marie, son père meurt et arrive le Blast. Difficile à expliquer ce qu’est un Blast. C’est un instant où son esprit s’envole. Son corps flotte. Larcenet le symbolise alors par des couleurs investissant les cases et des dessins d’enfants. Une hallucination qu’il est difficile de prévoir mais qui rend dépendant. Polza essayera de retrouver cette sensation en partant alors vivre seul dans la forêt. Seul avec son malaise, boire plus que son corps ne peut supporter. Manu Larcenet explore un monde et un univers nouveau. Son trait de crayon est là. Encore plus présent même dans une forme et une technique qui change de ses précédents albums plus dans la veine humoristique. Ici, le travail graphique est bien plus large avec de l’aquarelle, du crayon et un encrage noir très travaillé, pour faire ressentir les différentes étapes et niveaux émotionnels de Polza. L’ouvrage s’élève ainsi comme ces visages de l’île de Pâques aperçus lors des Blast, ouvrant un espace mystico-philosophique où le discernement se mêle au mystère de l’âme humaine. Où Polza Mancini, cette Grasse Carcasse (titre de ce premier tome) amène-t-il ? Personne ne sait. Le lecteur non plus. Ambiance glauque et sombre, parsemée d’éclairs colorés devenant ici comme un oasis, une respiration, qui au milieu de ce récit empruntant aux meilleurs romans noirs nihilistes en devient presque malsain. Blast gagne en force et en fascination au fil des pages. Mais il ne faudrait alors pas oublier un autre immense talent de Larcenet, celui de conteur d’histoire.
Blast est un des chocs dessinés de ces dernières du moins pour moi alors, il aura évidemment la note maximale d’une demi-cuvette.
JC.

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